La page de Claude

 

Le Kayak Extrême


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La 2e page de Claude
sur la différence entre "sport" et "compétition".

Juin 2005

     Ce n'est pas très utile de faire des choses extraordinaires en sport.

 

     Cela a le mérite d'être du sport et non de la compétition, ce n'est donc pas négatif.

Lorsque l'on s'oppose à quelqu'un, c'est négatif, au contraire en sport extrême on a souvent besoin d'autres personnes, soit pour faire l'action elle-même, soit pour assurer la sécurité, soit pour aider. Il y a un esprit d'équipe qui peut totalement se développer puisqu'on n'est pas opposé à une autre équipe.

 

     Je crois que c'est la seule chose vraiment importante dans ce que nous faisons: c'est montrer le vrai sport alors qu'en général on n'entend parler que de gens qui se battent: en compétition, dans les films, et cela commence avec les jeux vidéo dès 5 ans.

Les gens qui font tous ces films, ces jeux et ces évènements ne se rendent pas compte qu mal qu'ils font dans la société et à eux-mêmes.

Ils font, Jeunesse et Sport fait des campagnes pour le fair-play dans le sport, mais c’est une erreur manifeste : Il n’y a jamais eu de manque de fair-play dans le sport !

     Au contraire dans la compétition il y  a un manque de fair-play, inévitablement.

Ceux qui font la campagne pour le fair-play dans le sport ne connaissent pas encore la différence entre sport et compétition, sans doute à cause du poids des traditions, de mythes incohérents comme « être le meilleur », peut-être parfois une volonté délibérer d’entretenir la confusion, je ne sais pas.

     La sociologue Paul Ariès estime que la compétition est un des vecteurs qui a fait accepter la notion de violence dans la société.

Un jour la différence fondamentale entre sport et compétition sera reconnue et acceptée.

 

     Le sport, nous montrons ce que doit être le monde: amical.

     Selon les statistiques, 10 pour cent de gens ne se sentent pas concernés par le sport, 70% de gens pensent que le sport n'est pas la compétition, 20 pour cent pensent que le sport est la compétition, ils sont donc minoritaire, même si c'est dans leur mentalité de se croire des héros.

De vouloir à l'exclusion de tout autre s'attribuer honneurs et financements, publics ou privés.

Vouloir être honoré car on fait le contraire de ce qui forme notre société c'est ridicule.

La notion de concurrence est à ce point mise en avant que l'on en arrive à croire que la société est basée sur ce principe, alors que la société une longue chaîne de solidarité : Quelque part un type extrait du charbon , l'autre du fer, un autre le vend, un autre le transforme, en camionnette, en four à pain , en charrue, un autre plante du blé, un autre est boulanger et nous avons du pain. C'est une grande chaîne de solidarité.

Toutes les aides sociales aussi et elle sont possible grâce à l’impôt.

 

     Le monde nous apparaît différent selon notre comportement.

     Prenons l'exemple de la voiture: si l'on roule vite en ville, on aura surtout des reproches, on gêne les autres usagers en slalomant pour doubler, on empêche les piétons de traverser.S’ils ne nous le reproche pas, nous n’aurons pas de geste amical et on va voir le monde comme hostile.

     Si l'on conduit lentement, et que l'on a assez de maîtrise de soi ou de réflexion pour ne pas s'énerver, la conduite est déjà moins stressante. Chaque piéton que l'on laisse passer nous remercie d'un geste de la main, même des enfants, des jolies filles et de vieux messieurs. Il n’ y a pas une catégorie de la société qui n’est pas capable de reconnaître un comportement courtois. Alors on a, au contraire du champion du volant, l'impression que le monde est beau et les gens sympa, même plus sympa et plus réfléchis que nous !

 

     Le sport, c'est pareil: tu permets à ce qu'il y a de plus beau en l'homme de s'exprimer, et la compétition, au contraire l'empêche .

 

Alors on peut être fier de faire du sport, même si d'autres sous prétexte qu'ils se battent, ont les honneurs et l'argent. Ne nous laissons pas avoir à les jalouser ou les imiter.

Le comportement juste est le nôtre.

 

 

 

Ce préambule étant, voici mes impressions sur le kayak extrême :

 

     D'abord ce n'est pas à la portée de tous! C'est à la portée de celui qui va consacrer beaucoup de son temps, son intelligence et son énergie à ce sport.

Les prédispositions ne sont pas importantes : moi par exemple, même enfant j'ai toujours été plutôt fort des bras, mais je ne courrais pas vite. Je suis persuadé que d’autres bien différents peuvent être aussi bons.

Et puis je manquais peut-être un peu d'aisance pour la vie d'adolescent, les booms et la drague, à cause de mon éducation, il a fallu la refaire !

J'étais un enfant gentil, j'écoutais les adultes, et quand ils étaient content de moi, je l'étais aussi. Manque de chance, c'était notamment les organisateurs de compétition qui voulaient accaparer un enfant de plus ! Alors j'attachais beaucoup d'importance à aller vite, comme on me le demandait, mais j'ai toujours été profondément dérangé par le but final qui leur importait: Aller m'opposer à d'autres jeunes.

Cela je ne l'ai jamais aimé, même quand on me donnait des décoration, des médailles.

 

     Par chance, l'entraîneur n'était pas trop sectaire et appréciait que d'autres  m'emmènent faire du kayak libre, déjà au plus haut niveau de la rivière difficile, mais un peu moins dur que ce qui peut se faire maintenant.

Les raisons en sont que à cette époque l'entraînement était moindre, car dans les années 70, les adultes avaient moins de temps libre, donc moins de temps pour se perfectionner, la tête d'avantage prise par le travail, moins d'argent, d’autre part le matériel était moins facile : on avait du mal à raccourcir, les kayaks car prisonniers d'une tradition sans intérêt réel.

Moi, je me consacrai corps et âme à m'améliorer, complètement obsessionnel.

Et puis travailler me paraissait bien vain... Je ne sais toujours pas si c'est à tort ou à raison.

 

     J'étais et je suis toujours à la recherche d'une plénitude: jamais souffrir, toujours faire hennir les chevaux du plaisir (chanson connue, je vous laisse chercher).

C'est pour cela que j'ai un jour décidé une fois pour toutes qu'il n'y avait jamais pas assez d'eau et jamais trop d'eau, comme cela on n'est pas embêté, on peut toujours faire du kayak.

Il ne faut pas rechercher sa satisfaction n'importe où!

 

     Voilà comment on s'améliore: en ne pensant qu'à ça et en y passant tout son temps.

Dans ces conditions les prédispositions physiques ne sont pas bien importantes.

Chez les bons pagayeurs, il y a des grands, des petits, des lourds des légers. Surtout des hommes. Ce n'est pas parce que c'est trop dur pour les filles, peut-être parce qu'il faut être trop bête pour y orienter toute sa vie. Dans ce cas, j'ai été bête.

 

    Ce n'est pas difficile de s'améliorer: il faut critiquer chaque coup de pagaie, pagayer souvent, donc avoir plaisir à être là, aimer s'amuser sur les rivières à aller s'arrêter dans les coins les plus invraisemblables et faire les figures les plus invraisemblables, ce qui ne veut pas dire les plus dangereux. Ce qui est difficile techniquement et n'est pas possible pour le débutant n'est pas forcément dangereux.

Il faut aussi avoir la chance de fréquenter de bons kayakistes qui te donnent de bonnes bases, cela, on le contrôle moins, c'est aussi me semble t'il un concours de circonstance qui amène à être bon pagayeur.

     A force de beaucoup pratiquer, le niveau augmente inévitablement, et  si l'on fait attention de ne jamais dépasser son niveau, on n'a pas de galère voir d'accident pour nous décourager et l'on finit par descendre toutes les rivières qui ont été descendus, ce que l'on pourrait dire être aussi bons que les meilleurs, mais les mots bons, meilleurs ne me plaisent pas tellement, ils recouvrent des tas de réalité où l'on oppose les gens entre eux ce qui est fondamentalement une erreur.

 

     Je n'ai donc jamais eu peur, ou peut-être une fois ou 2 et jamais dans les passages les plus incroyables.

 

     Tout relève d'une analyse, notre capacité d'analyse, notre expérience augmentent au fur et à mesure de nos centaines d'heures de pratique, et l'on finit par savoir exactement ce qu'il est possible de passer, comment on va le passer et ce qui va se passer pour nous pendant la descente.

 

     La dernière fois que je me suis renversé et ai du sortir du kayak ce que l'on appelle dessaler, c'était en 1981, je descendais les ex-infrans de l'Ubaye avec un kayak de compétition trop long et trop plat, et surtout  trop petit pour moi, j'avais les jambes serrées et étaient assis par-dessus le dossier du siège, j'ai quand même fini par tomber.. Avant, mon précédent bain, je ne me rappelle pas, je suppose que cela remonte vers les années 74-75.

Ainsi des gens qui ont 3 mois de kayaks ont déjà eu ^plus de galères que moi en 40 ans.

Il voulait suivre cette ridicule notion de se dépasser, de dépassement de soi. Cette notion n'est qu'un phantasme, un rêve pour des rêveurs, qui en général se croient sérieux. Ton niveau augmente, tu fais plus difficile, si tu fais trop difficile pour toi, tu as des emmerdes, que tu sois débutant ou le "meilleur", ce qui correspond plus à un volonté de l'orgueil qu' à une notion utile.

 

Parfois c'est notre orgueil et notre bêtise qui agit à notre place, il faut savoir reprendre le contrôle, la maîtrise de ses actes. En sport et ailleurs dans la vie. Ce n'est pas si évident.

 

     Cette volonté que j'ai eue de ne jamais avoir peur, de tout contrôler, il valait mieux que je l'exerce en sport à vouloir descendre des rivières que vouloir contrôler d'autres êtres humains.

A coup sûr, il vaut mieux exercer cette volonté de contrôle dans le sport sans ennuyer personne.

 

     Pour ce qui est des sensations en descendant, c'est un peu difficile à décrire cause de ne jamais avoir peur.

 

     Mais au-delà de la sensation de se faire peur, de l'adrénaline que j'ai peu connu, il y a le grand plaisir et même avantage d'avoir un pole autour duquel s'oriente sa vie, un pole non nuisible aux autres êtres. Quand ça allait mal, j'allais faire un peu de kayak : seul et ça allait mieux, avec d'autres et ça allait mieux, aussi.

     Et puis ils m'admiraient un peu, et ça aussi ça fait plaisir. Cependant, je n'ai jamais prétendu à personne que je savais mieux faire du kayak que lui.

Quand cela allait bien, de loin le cas le plus fréquent, c'était tout aussi super de retrouver des amis, avec qui aller pagayer, ou des amis non-pagayeurs, qui m'accueillaient, en général accompagné de ma compagne et j'allais pagayer près de chez eux.

C'étaient des amis stratégiques: Ils m'ont permis véritablement de  faire les rivières près de chez eux, car sans point de chute, je n'y serais pas allé.

     Il y a eu Patrick Delgado pour le Massif du Caroux qui m'a parfois accompagné, notamment sur les torrents d'Héric et d'Arles, Hervé Gantz, le pasteur de St Jean du Gard pour les Cévennes et David Chapelon qui m'accompagne sur les rivières les plus escarpées, autour du Mont Lozère.

     Autour du Mont Aigoual, nous partions de Montpellier, nombreux kilomètres en voiture! Le plus souvent, j'étais en compagnie de Alain Nicollet.

     Quand j'étais jeune, c'étaient les Lyonnais qui m'emmenaient: Léveillé, Baudoit, Brun, Fournet; C'était ma deuxième famille, j'ai profité de l'éducation qu'ils m'ont involontairement transmise.

     J'ai aussi pagayé avec la célèbre équipe Nîmoise, pas très souvent. Et avec l'excellente équipe de la région d'Avignon: Warot, Bornerand, Sanchez, ... ils prétendent ne pas savoir pagayer au-delà de la classe 5, mais si on les questionne, on s'aperçoit qu'ils ont descendu avec facilité des rivières unanimement classées 6.

     Finalement, il y a eu mes petites copines, notamment une, mais la vie privée m'amène à ne pas citer son nom, qui m'a emmené avec mon camping-car sommaire à la découverte des rivières de plusieurs régions. Notamment celles qui n'étaient pas marquées sur les topo guides, ou bien la partie au-dessus : la partie inconnue dans la montagne.

Sans elle, je ne l'aurais pas fait.

 

     On peut certainement dire que je suis un des types qui a ouvert le plus grand nombre de rivière, et souvent en solo.

     Seul c'est quand personne ne veut venir, hélas c'est souvent, soit parce qu'ils travaillent soit parce qu'ils ne veulent pas d'un torrent inconnu et manifestement extrême. Ils sont libres et cela ne me valorise pas, je le dis car cela a souvent été comme cela.

Alors pourquoi seul dans du 6 voir 7 inconnu? Pour une seule raison je crois, parce que j'ai toujours su passer ce qui était possible et porter ce qui ne l'étais pas et ne me suis jamais trompé.

     Trompé, je me suis peut-être... j'ai sans doute évité des passages qui pouvaient se franchir par moi ou un autre. Mais se tromper, c'est plutôt franchir un passage impossible, ça s'est vraiment à notre désavantage, d'autre en kayak ou dans d'autre sport y ont laissé la vie.

Il ne vaut sans doute pas mieux mourir dans un accident de la route, mais il y a sans doute des manières plus intéressante de mourir, comme par exemple vieux et heureux, après avoir compris le sens de la vie.

 

    Qu'est-ce qui est beau dans le kayak extrême, à part que cela donne un pivot notre vie?

 

      L’amitié d'abord, puis l'eau qui coule, les reflets du soleil, les rochers ronds, les grandes étendues de rochers à nu sur lesquels l'eau s'est creusé un passage, le courant qui déplace le sable au fond de l'eau, les canards qui vont par couple, la pluie qui s'arrête le temps de la descente et reprend après, la compagne qui nous réchauffe en hiver, qui nous sourit, qui nous a rendu le service de nous amener, de nous attendre, de nous regarder, qui écoutait le talkie-walkie jusqu'à ce que les 300 mètres de falaises coupe la communication lors de la descente la plus risquée et qui est restée 5 heures sans nouvelles jusqu'à ce que j'arrive 10 minutes avant la nuit.

     Les hêtres violets sur les flancs de montagnes l'hiver qui donnent un air moyenâgeux, les nouvelles pousses verts clair au printemps, l'eau qui nous rafraîchit pendant la canicule, la bouffée de bonheur qui nous envahit soudain, la biche que l'on dérange, le martin pêcheur qui file, le cingle qui descend le rapide en nageant sous l'eau, s'apercevoir que déjà plus jeunes on arrive encore à faire toutes les rivières, et il faut vite trouver la sagesse de se calmer dans pas si longtemps!

 

 

 

 Je t'ajoute quelques idées sur la différence entre sport et compétition:

 

La volonté d'hégémonie

- Un comportement à l'opposé des valeurs de la société

Cela va avec la notion  d'être le meilleur, qui est un mythe car ne
correspond pas à la réalité.

Un comportement maladif, en dépit de la logique et du bon sens: Faute d'une
relation normale à l'autre, s'engager dans le contraire en espérant y
trouver la solution

- S'attribuer tout l'argent

- s'attribuer les qualités qui n'y sont pas (amitié, paix





Listes de différences :



1/ Sport: on part ensemble, on arrive ensemble, on s'entraide, il n'y a pas
de vainqueur

Compétition: on part ensemble, on ne s'occupe pas des autres, le but est
d'être vainqueur

2/ S : coopérer, jouer avec l'autre appelé partenaire

C : S'opposer, combattre l'autre appelé adversaire

ex: S : jouer la balle pour que l'autre puisse la rattraper, éventuellement
très fort s'il aime cela

C : jouer la balle de telle manière que l'autre ne puisse pas la rattraper



3/ S : Avant tout faire une activité

C : Avant tout s'opposer à d'autres



4/ S: voir l'autre comme un partenaire potentiel

C: voir l'autre comme un adversaire potentiel



5/ S : indiquer clairement ses intentions,

C : dissimuler ses intentions, tromper, mensonge, dopage



6/ C: Satisfaction basée sur l'insatisfaction de l'autre

S: Satisfaction basée sur la satisfaction de l'autre



7/ C : incivilité, agression, toutes choses interdites dans société, de la
part des joueurs et des supporters

S : jamais



8/ S: Se sentir obligé de porter secours ou assistance

C: Ne pas se sentir obligé de porter secours ou assistance



9/ C : laisser s'exprimer ce qu'il y a de pire dans l'humain

S : permettre à ce qu'il y a de meilleur dans l'être humain de s'exprimer



10/ C :système pyramidal avec au sommet les organisateurs, puis les
compétiteurs hiérarchisés

S : système égalitaire (individuel inorganisés)



11/ Egalité-Inégalité :

S: Une pratique de haut niveau n'est pas supérieure fondamentalement ou
statutairement  à une pratique plus modeste

C: une pratique de haut niveau est supérieure à une pratique plus modeste

 

  Claude Castelain

Juin 2005

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